Première Chronique¶

La nuit n'allait tarder quand surpris je voyais les Yubos fuir vers le sud, bien plus vite qu'à leur habitude. L'on regardait impuissants Yubos et Bodocs partir au loin, sans comprendre, et dans cet instant presque figé l'on aurait pu penser que c'était la vie qui nous quittait... prémonition pour certains peut-être.

C'est ce silence dont je me souviendrais, comme si la mort avait volé le vent des arbres. Je me souviens encore lorsque enfant l'on nous contait le grand mal, la chute des nôtres devant ces Kitins ; des histoires agréables, car grands frissons. Un plaisir pour celui qui n'a connu que peu de cycles, c'était loin tout cela, trop loin... mais jamais assez. Depuis combien de temps n'avions nous déploré ces venues ? Ces attaques, sans crier garde. Sans doute de notre faute aussi, avec le temps les missions aux frontières se sont relâchées, moins de danger, moins d'attention, et les voici qui reviennent, de nouveau.

Les gens ont hurlé, tellement qu'il en était difficile de comprendre ce qu'il se passait. Ils courraient tous aux abris, cherchant à se protéger... ne pas mourir ! Quelle étrange vision d'une vie. Est-ce donc cela que l'Hominité ?
Craindre un nouveau cataclysme ?

Ils sont venus oui, déferlant comme la pluie d'automne. Nulle autre vie non, nulle autre n'aurait pu rester... J'ai tremblé oui, je crois. Sans doute hurlé aussi, car seule la peur me maintenait debout. Mes blessures ne sont que superficielles, et moi aussi j'ai fait entendre ma joie lorsque le premier grand est tombé. Qui donc a compté les nôtres au sol, baignant dans leur sève ? Qui donc s'en souciait ? C'était de la joie oui, peut-être teintée de rage, mais de la joie tout de même.

Je crois que la ville serait tombée sans l'aide des nouveaux réfugiés. Ils sont arrivés bien vites, répondant à nos appels, ou peut-être parce qu'ils comprenaient que le mal était là je ne sais. Ils ont défendu les villes, brisant les vagues Kitins sans reculer, sans abandonner. Interminable nuit que celle-ci, mais je suis fier d'avoir combattu à leur coté ! Et vaincu ! Car oui la victoire fut nôtre, preuve en est que nous sommes là pour témoigner.

Le coeur de certains s'était assombri en apprenant qu'Avalae était tombée, toutes ses défenses rompues. Certains d'entre nous y avaient leur famille, leurs amis, alors apprenant la nouvelle ils s'avançaient désarmés, juste pour en finir. Combien de larmes ont coulé ? Et combien couleront encore ? Les Kitins peu à peu étaient exterminés, jusqu'à la mort du grand Kipurek, mais combien de pertes avons-nous à déplorer ? Combien d'entre nous n'ont su s'éveiller au lendemain ?

Quelle est cette guerre que nous devons mener chaque jour ? Pourquoi de nouveau doit régner la peur ? Que sommes nous nous Homins, devant ce malheur ?

Mes gardes continueront à Natae, et si un jour ma vie y est prise ce sera avec honneur, mais jamais dos à l'ennemi, quel qu'il soit ! Ce fléau est le nôtre, et nous en payons le prix... En cette nuitée j'ai perdu des amis, trop d'amis, mais nul ne pourra jamais tous les citer. Ne baissez pas la tête Homins, et ne pensez plus à pleurer...
la guerre ne fait que commencer.