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Histoire d'un jeune Corsaire - première partie

Récit écrit par un vieux chroniqueur Tryker :

L’eau était fraîche, mais les poissons ne semblaient pas s’en soucier. Ils ondoyaient dans un ballet coloré, sans qu’un son ne soit détecté par une oreille homine. Chacun d’eux semblait savoir exactement où se placer, où se diriger, si bien que leur danse était à chaque instant gracieuse, comme si elle avait été répétée des dizaines et des dizaines d’années. Le jeune Bremmen O’Derry les observait. Il avait toujours été un fier Tryker, et par-dessus tout, un guerrier acharné lorsqu’on en venait au maniement de la Flunker… mais il n’avait jamais rien découvert de plus beau que les spectacles de la nature, comme ceux des bancs de poissons dans ses lacs bien-aimés.

Des vaguelettes se formèrent à la surface, et la seconde suivante, tous les poissons avaient disparu de son champ de vision. Il tourna la tête et vit une patrouille de Trykers se déplaçant dans l’eau à une vitesse hors du commun. Il les reconnut immédiatement : c’étaient les Corsaires. Ils patrouillaient souvent dans le Lac de la Liberté, jamais inquiétés à l’idée de gagner à la nage les îles les plus reculées où ils s’occupaient de taches intéressantes et utiles, c’est sûr… Du moins était-ce ce que Bremmen pensait. Son père avait souvent évoqué son passé, sa jeunesse dans la tribu des Corsaires. Ca l’avait formé, physiquement et mentalement ; ce n’était pas très loin d’un service militaire en fait… sauf qu’ils n’offraient pas réellement leurs services à la Fédération.

Mais le temps de penser et de rêver peut être long. Lorsque Bremmen posa à nouveau ses yeux sur le lac, ils avaient déjà disparu au loin. Il se dressa d’un bond et plongea. Il devait les suivre, il voulait les suivre et rejoindre leur tribu. Tant de jeunes Trykers avaient déjà franchi le cap… et ils étaient si impressionnants à ses yeux, avec leurs deux ou trois ans de plus, et le respect que tous leur témoignaient, y compris lui, lorsqu’ils avaient la chance de les rencontrer. Mais Bremmen pouvait à peine respirer à une si vive allure, et la patrouille ne l’avait même pas aperçu, continuant sur sa lancée. Perdu, au milieu des Lacs, il tenta de rejoindre la première île qu’il vit afin de reprendre son souffle. Ses poumons le brûlaient, comme lorsque son grand père lui avait proposé de fumer la pipe.

- Je veux essayer ! dit Bremmen à son grand-père.

- Bien-sûr, vas y. Avait-il répondu en lui tendant la pipe.

Il avait placé l’objet entre ses lèvres, aspiré un peu de fumée dans la bouche et l’avait recrachée.

- Pas comme ça ! Inspire ! Avait dit le grand-père.

Il avait essayé une fois encore, inspirant d’un coup avant de tousser aussi sec, et de s’étouffer sur place. Et Bremmen n’avait jamais retenté l’expérience… Mais aujourd’hui il avait l’impression d’avoir fumé et de s’être étouffé pendant des heures. Les Corsaires étaient de bons nageurs… sans doute même les meilleurs d’Atys ! Et il ne pouvait plus les voir maintenant. Les poissons avaient repris leurs places originelles et dansaient comme si rien ne les avait jamais troublés.

Bremmen se redressa une nouvelle fois, et escalada le pic escarpé qui se trouvait au milieu de l’île sur laquelle il s’était retrouvé. Du sommet, il pouvait jouir d’une magnifique vue du Lac de la Liberté… et de son île qui était en fait une sorte de longue falaise coincée entre deux petites plages. Du versant ouest, il put observer un objet flottant lumineux qu’il n’avait jamais vu à Fairhaven. C’était à moins de 400m de lui, mais cela restait trop loin pour qu’il arrive à distinguer précisément ce dont il s’agissait. Il regarda alors le ciel, et sourit. D’après ses calculs, il s’agissait à n’en point douter du camp des Corsaires… finalement.

Bremmen dévala la pente, du côté ouest, et regagna la plage. Il n’était plus qu’à quelques brasses de son but maintenant. Il respira plusieurs fois, longuement, pour se préparer, et plongea à nouveau, nageant aussi vite que possible pour faire bonne impression aux Corsaires. Malheureusement, il ne conserva ce rythme que sur 250m… Et termina rouge comme les poissons qu’il avait observés plus tôt, reprenant honteusement son souffle comme un Bodoc.

Il n’osa pas se redresser et regarder autre chose que le sol, comme si cela avait pu lui épargner le regard pénétrant de Codgan Be’Yle. Il fut soulagé lorsqu’il releva la tête, ayant l’impression que personne ne l’avait remarqué… En fait, il avait mis tant de temps à reprendre sa respiration qu’ils s’étaient trouvé d’autres occupations plus intéressantes que de l’examiner.

Bremmen se recoiffa rapidement de ses mains, et s’avança de manière assurée vers le plus proche Corsaire.

- Bonjour, dit-il à l’hôte d’accueil.

- Bonjour mon jeune enfant.

- Jeune enfant ? Je ne suis plus un jeune enfant depuis longtemps ! Je suis un jeune homin, courageux et intrépide !

Bremmen avait laissé sa Flunker glisser dans son dos pour impressionner l’hôte.

- Les homins courageux et intrépides ne prennent généralement pas cinq minutes à reprendre leur souffle, encore moins quand ils nagent lentement... et peu de temps… Peu importe, je m’appelle Codgan Be’Yle. J’accueille les gens qui rendent visite aux Corsaires. Que puis-je faire pour toi ? Essaie d’être prompt, j’ai encore beaucoup à faire…

Bremmen piqua un fard comme jamais. Mais c’était sa seule chance, alors il ne releva pas et essaya d’enchaîner.

- Je m’appelle Bremmen O’Derry. Je suis le fils d’Arty O’Derry, vous le connaissez ?

- Non.

- Mais il était un Corsaire il y a quelques années.

- Ecoute, mon garçon, il y a tellement de jeunes Trykers qui viennent et servent notre cause chaque jour, et qui nous quittent quelques années plus tard… que je ne risque pas de me souvenir de chacun d’eux.

Bremmen s’empêcha de laisser libre court à sa colère lorsque Codgan l’appela “mon garçon”.

- Je suis venu de la lointaine ville de Fairhaven pour vous rencontrer et m’engager chez les Corsaires. Ma Flunker est à votre service si vous acceptez de m’enrôler.

Codgan se mit à rire.

- Bien, bien. Trouve Derren Be’Lauppy alors. Il a sans doute quelques missions à te confier. Reviens après l’avoir aidé… peut-être que j’aurai trouvé quelque chose d’autre pour t’occuper.

- D’accord ! Qui est-il ? demanda Bremmen en observant les homins du camp.

- Il n’est pas là. Derren est un éclaireur. Il devrait se trouver dans les Vents du Songe.

- Les Vents du Songe ? Mais c’est très loin ! Et dangereux, n’est-ce pas ?

- Pas pour un homin courageux et intrépide. Tu ne pensais tout de même pas que j’allais te dire « bienvenue » juste parce que tu aurais parcouru la petite distance qui sépare Fairhaven de notre camp ? Maintenant, vas-y et ne reviens pas avant d’avoir prouvé que tu pouvais être utile.

Bremmen resta bouche-bée. Un test… bien sûr… ou peut-être que l’hôte était trop occupé pour s’occuper seul de tous les jeunes Trykers… Cela importait peu ! Bremmen allait se rendre là-bas et débusquer l’éclaireur.

Histoire d'un jeune Corsaire - seconde partie

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